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22 septembre 2012 6 22 /09 /septembre /2012 15:20

      Il était très ambitieux et enviait ceux qui ont gravi, quatre par quatre, les marches de l'escalier social et qui jouissaient d'un statut ...doré. Normal. Ne doit-on pas regarder vers des horizons plus...lointains? Ne doit- on pas regarder en haut...vers la cime verdoyante, hautaine et inaccessible? Le hic était qu'il pratiquait un métier dans lequel l'ascenssion sociale tout comme la promotion professionnelle étaient...problématiques, difficiles et surtout très lentes et souvent vaines. Il était enseignant, et du coup, il savait que son ascenssion dans le métier, en temps normal, prendrait le parcours et la vitesse d'une...tortue centenaire!

       Mais, peu importait: il aimait son métier en dépit des conditions dans lesquelles il le pratiquait, en dépit du marasme et du miasme qui stagnaient définitivement dans ce métier et qui faisaient de celui- ci un grand marécage insalubre, et surtout en dépit de la rémunération qui faisait que notre enseignant joignât les deux bouts du mois très très difficilement.

      Ceci dit, il avait des ambitions, lui. Il désirait donner des cours à des classes de "privilégiés", à des classes constituées de la crème des crèmes de la faculté, à des classes de génies et de surdoués. Il trouvait très confortable  cette situation dont il rêvait: ce serait une promotion d'un autre genre, une reconnaissance de la part du recteur et du doyen, mais égalemnt de la part de la société. Ne serait-il pas très beau d'être le professeur des classes les plus réputées de la faculté? Cette situation ne ferait- elle pas de lui un professeur émérite envié par ses collègues et respecté par ses supérieurs? Ne serait-il pas, lui,  ainsi à la vitrine de la faculté comme un costume du meilleur design exposé dans la vitrine d'un magasin de luxe sur l'avenue principale dans la ville la plus impériale du pays? Il se réjouissait de ce rêve et avait des frissons rien qu'en y pensant. Et surtout, il enviait, avec un mélange d'admiration, son collègue S. son aîné d'une trentaine d'années. En effet, ce dernier se voyait attribuer, à chaque rentrée, les classes les plus brillantes de la faculté. Et de cette attribution, monsieur S. en tirait un orgueil suprême!

       Les années passèrent, des étudiants ont quitté la faculté, d'autres sont arrivés, des lauréats ont été embauchés, se sont mariés, ont eu des enfants...qui à leur tour ont fait leur entrée dans cette faculté...Et bien sûr , monsieur S. était parti à la retraite...et le temps suivait son cours...

       Un jour, notre enseignant fut convoqué à la hâte au rectorat. On lui fit signifier, à son grand étonnement, le fait qu'il était devenu...un autre monsieur S.! Autrement dit, qu'il allait être chargé des classes élites du royaume de la faculté! Il en fut très content, d'une joie exubérante et effrénée, d'une joie d'enfant. Il rentra chez lui, le coeur vrombissant tel un réacteur de l'aéronautique!

     A deux heures du matin, les voisins entendirent un coup de feu provenant de l'appartement de notre enseignant dans lequel il habitait seul. La police découvrit quelques minutes plus tard le professeur gisant au sol, son révolver à la main, la tempe explosée, une bouteille de Whisky sur la table et un testament sur un bureau.

   On apprit, ce jour- là que, le professeur s'était suicidé après s'être longuement contemplé dans le miroir et avoir constaté qu'il avait dangereusement vieilli. Il avait ajouté sur le papier dans lequel il expliquait son geste qu'il avait été victime d'une supercherie du rectorat: il avait compris, après coup, que, lui conférer les classes les plus illustres de la faculté signifiait en filigrane, qu'il était à deux doigts de la retraite et qu'il ne lui restait que quatre ans à travailler au sein de cette faculté. On donne d'une main et on prend de l'autre, avait-il consigné sur ce papier. A quoi bon se voir accorder une classe prestigieuse si cela signifie que ses jours dans l'enseignement ,voire dans la vie, sont dorénavant comptés?. Difficile équation que notre professeur a résolu à sa façon: en déclinant l'offre de la faculté et en même temps celle de la nature. Finalement, il n'aurait résolu aucune équation et n'aurait découvert la valeur d'aucune variable. Une seule constante, en revanche, ressortait de son acte ultime: le désir de la perfection...Un leurre métaphysique!

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