Le villageois espagnol
pousse, un matin, les deux battants du portail de l'église déserte
et s'arrête, un instant, au seuil de ce saint lieu,
les bras horizontaux tenant les deux battants du portail rigide.
Il a ainsi l'air d'un brave Jésus crucifié.
L'Espagnol ôte son vieux chapeau défraîchi
et avance vers le prie-Dieu timidement,
en froissant machinalement de ses doigts rustiques
les bords de son couvre- chef déformé comme un curieux sombrero.
Ayant atteint le Prie- Dieu,
le paysan s'agenouille,
tenant de sa main gauche son chapau chiffonné
contre son coeur qui bat fort.
Et notre homme trace dans l'air avec l'index de la main droite
une croix sommaire, naïve et à peine esquissée.
Puis José marmonne quelques prières,
les yeux fermés et la tête en berne,
le coeur sincère et l'âme aux cieux...
Et du vitrail latéral, un rayon s'infiltre
et tel un flash, il immortalise la brave homme
et lui donne l'air d'un saint canonisé.
Et à mes yeux, l'Espagnol paraît très beau
comme le portrait d'un ange ou comme un bébé dans ses langes.
A la différence que cet hôte du Seigneur
a le front ridé et les tempes grisonnantes,
a le coeur dégoulinant un sang invisible,
a les épaules écrasés par le fardeau de la vie,
a des vêtements qui sentent le prolétaire marginalisé.