Cette ville m'enivre par les parfums qu'exhalent ses encensoirs.
Cette ville me saoûle par ses statues: gardiennes de son histoire.
Cette ville me grise par les poitrines de ses femmes, en exergue, sur les trottoirs.
Cette ville m'ensorcelle en réfléchissant mes souvenirs sur ses miroirs.
Cette ville extrait mes rêves des tréfonds de mon dortoir.
Cette ville extirpe mes albums du fond de mon armoire
pour bénir le tout en échange de mon bonheur: c'est son seul pourboire.
Cette ville est ma maîtresse, ma croix et mon manoir.
Cette ville est la lueur que mes yeux distinguent au fond du couloir.
Cette ville est ma mère qui m'embrasse derrière la grille du parloir.
Cette ville est le sorcier qui sort des lapins de son beau chapeau noir.
Cette ville me rend fou en me conférant un drôle de pouvoir.
Elle panse mes chagrins et métamorphose mes déboires
en des exploits de dieux, en des miracles, en des victoires.
Alors, ma mère, enterre-moi là si je m'éteins un soir
puis récite une prière pour mon âme et érige une statue à ma mémoire,
que tu placeras dans un jardin, à côté d'une fontaine ou d'une balançoire.
Que cette statue soit un giron pour les enfants et pour les oiseaux un perchoir.
Et le soleil viendra la caresser, de temps en temps, quand il cessera de pleuvoir,
et lui murmurera des mots doux: des mots d'amour, d'estime et de gloire!