A Madame X,
tu m'avais promis de ne pas m'abandonner.
Mais, un jour orageux et pluvieux, tu es partie.
Je suis resté planté, là-bas, tel un marin ayant fait naufrage,
affaibli par la tempête et jeté sur des côtes inconnues,
le corps déchiqueté par les pointes agressives des récifs inhospitaliers,
les mains sanglantes et meurtries, accrochées à des rochers glissants.
Mes mains se cramponnaient à ces rochers étrangers
et me donnaient l'air
d'un bébé aggripé au sein d'une mère
qui refuse de le reconnaître.
Ma bouche était posée, dans un baiser forcé, sur les rugosités marines de ces écueils frigides.
Aujourd'hui, je m'escrime à à tirer mes pieds des vagues du passé,
qui s'évertuent à me ramener à l'océan.
Là où j'ai échoué.
Et je me rappelle
du jour où, après avoir trempé ton doigt dans l'encre d'un stylo qui bavait,
tu a tracé sur nos deux fronts le serment de la fidélité.
Et je me rappelle aussi
du jour où tu as fignolé, par le sang de ton doigt blessé,
un coeur rouge sur la plaque d'un arrêt de bus.
Ce jour-là, tu étais contente...malgré ton doigt blessé,
--peut-être blessé par les épines d'une fleur que je t'avais offerte--
Je marque par le sang de mes blessures une croix rouge sur un rocher géant de cette île mystérieuse
pour commémorer le nième anniversaire de mon débarquement forcé sur cette terre qui fut un asile pour mon corps et un enfer pour mon âme.
Et j'attends toujours un navire providentiel pour qu'il me ramène.
Un navire qui ne viendrait peut-être jamais.
De toute manière, et dans l'attente de ce miracle,
je reste madame, je reste...ton Robinson Crusoé.